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L’Échenilleur de La Réunion, ou Tuit-tuit, est une espèce endémique classée depuis 2008 « En danger critique d’extinction » [1]. Le facteur majeur de son déclin est la prédation par les rats noirs, espèce introduite par les hommes, devenue envahissante sur l’île et dont la présence est entretenue par les nombreux déchets abandonnés sur la Réserve, en dehors des lieux de collecte.
L’effectif mondial de l’espèce est estimé en 2010 entre 25 et 30 couples reproducteurs, tous localisés dans la Réserve naturelle de la Roche-Écrite. Ce site fait maintenant partie du Parc national de La Réunion. Depuis 2003, la SEOR surveille les nids connus de Tuit-tuit et y régule les rats manuellement par la pose de pièges. Ceci a permis la production de 4, puis 8, et enfin 22 poussins à l’envol entre 2004 et 2007.
Pour sauver l’espèce de l’extinction, il est cependant impératif d’identifier et de mettre en œuvre une méthodologie de contrôle des rats à grande échelle, permettant d’agir sur de plus grandes surfaces de forêt avec des coûts humains et financiers les plus faibles possibles, de manière à garantir la pérennisation des résultats.
La vulnérabilité des espèces insulaires est attribuée à leur aire de répartition réduite (vulnérabilité à des évènements destructifs locaux), et associée aux faibles tailles de population. Dans beaucoup d’îles, les espèces ont évolué en absence de prédateurs et d’agents pathogènes, ce qui leur confère une vulnérabilité particulière aux espèces prédatrices introduites. Le taux d’extinction des espèces d’oiseaux à La Réunion dépasse 50% (au moins 18 espèces référencées), l’essentiel des espèces s’étant éteintes dans le premier siècle de l’installation humaine (avec ses commensaux). Les espèces introduites envahissantes affectent 67% des oiseaux mondialement menacés dans les îles océaniques et plus de la moitié des extinctions récentes d’oiseaux sur les îles sont attribuées aux mammifères introduits (essentiellement les rats et chats). On estime que les rats sont à eux seuls responsables de l’extinction dans le monde de 30 espèces d’oiseaux.
Cette action a pour but d’éradiquer les rats sur une surface d’au moins 200 ha au cœur de la Réserve, et de contrôler une zone périphérique d’au moins 250 ha à des densités faibles, afin d’éviter la recolonisation du cœur par les rats.
Une surface exempte de rats dans cette zone devrait permettre à l’Échenilleur de La Réunion de reconstituer ses populations jusqu’à un seuil de viabilité (estimé à 125 couples nicheurs). L’effectif de 45 couples nicheurs est ciblé pour la fin du projet, en 2015.
Pour cela, une méthode de lutte intensive à l’aide d’appâts empoisonnés sera testée puis appliquée pendant 4 ans, en complément de la méthode de piégeage manuelle.
Au préalable, une année sera consacrée à la consultation de la bibliographie et d’experts français et néo-zélandais, ainsi qu’à dresser un état initial des densités de rats et de la population résiduelle de Tuit-tuit. Différents types d’appâts empoisonnés pour les rats seront également testés afin qu’ils n’aient pas d’impacts sur le reste de la faune.
De 2011 à 2015, la combinaison de la régulation manuelle et par voie aérienne sera expérimentée. Les résultats seront évalués par un suivi annuel des populations de rats, de tuit-tuit, et des autres espèces d’oiseaux nicheurs.
Grâce à cette action, on peut faire l’hypothèse que la densité de rats au cœur de la Réserve sera suffisamment basse pour remplacer la dispersion d’appâts empoisonnés par la mise en place de stations permanentes d’appâtage. Le Département de La Réunion et l’ONF, propriétaire et gestionnaire des forêts situées dans le Parc national seront les partenaires clés de ce volet.
Au terme de cette action, si la méthode s’avère efficace, elle pourra être reconduite dans toutes les zones où l’introduction des rats entraîne le déclin de la biodiversité endogène, notamment sur l’île de La Réunion et sur d’autres îles ultra-marines (Mayotte, Guadeloupe, Martinique, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Iles Eparses, Réserve du Connétable en Guyane). Cette action est démonstrative, car la connaissance des techniques de régulation des rats à grande échelle reste faible au niveau français et européen. Un séminaire sur cette problématique et un cahier technique seront réalisés à cette fin.
[1] (UICN, BirdLife International, 2008)
Mots-clés : La Réunion, Réserve de la Roche-Écrite, Echenilleur de La Réunion